Aubrac, être dans l'air 9 janvier 2021 France > Aubrac

"Être dans l'air", comme le disait Henri Pourrat (écrivain auvergnat) à propos de l'Aubrac, résume assez bien la sensation que l'on ressent quand on arpente ce plateau. Aujourd'hui je laisse le Col de Bonnecombe pour partir du village de Saint Laurent de Muret, 1180 m, petite commune en bordure Est du Plateau, au dessus de Marvejols et à 10 mn de l'A75.

Je chausse juste à la sortie du village et prends le GR du Tour de l'Aubrac en direction de La Blatte. -4°C à 10h; mais je me réchauffe vite en attaquant la petite montée dans le bois de fayards qui rejoint rapidement les pâturages ouverts. Cette "draille" (chemin d'accès aux pâturages) serpente entre les devèzes (nom donné dans le coin aux prés pâturés par le bétail et non fauchés) moutonnées de blocs de granit. Jolie perspective sur l'arrière du massif de Bonnecombe et ouverture au Sud/Est sur le massif de l'Aigoual. La neige est excellente, et offre une très bonne glisse, sans trop d'accroches toutefois à la montée. Avant d'arriver au hameau de La Blatte, blotti tout au bout de la vallée de La Biourière, je prends plein Est à travers les pâturages de la Montagne de Bessière. Vastes espaces déserts qui font à la belle saison la richesse de se territoire d'élevage vivace. Blocs de granit et fayards isolés agrémentent le paysage. Direction Les Rabioles, vaste secteur isolé sans vraiment d'accès évident, en partie occupé par des plantations d'épicéas en timbres poste. Si l'intérêt sylvicole n'est pas une réussite, ce paysage aux accents nordiques offre un refuge à toute la faune local : Chevreuil, renard, lièvres, écureuil, cerf, sanglier, et parfois le loup y est aperçu. Une multitude de traces sont le signe de cette vie faunistique foisonnante. Mes traces semblent anachroniques, je ne fais que passer dans ce paysage figé dans un silence de cathédrale.

Au niveau du Mure de la légue (éboulis basaltique) je reprends plein Nord au travers des clairières et éclaircies de Rabioles, pour déboucher au niveau des Pierres des Deux Soeurs, dans les vastes prairies entre les hameaux du Faltre et de Taupinet. Ces hameaux permanents à plus de 1250 m sont parmi les plus haut de l'Aubrac.

Remontée en direction du Plo, par l'ancien buron de La Coste, sous le soleil mais toujours ce vent de Nord/Est bien frais. La pente se prêterait à merveille à la génuflexion, mais ce sera pour la prochaine fois, car il est temps de basculer sur l'autre versant. Passage à la radio balise du sommet du Plo à 1381 m (qui appartien à l'aviation civile), et direction le Nord/Est vers le petit sommet rocheux de La Mourade. Vue imprenable sur une grande partie de la Lozère: Margeride, Mont Lozère, Massif du Bougès. L'ensemble du département est blanc. Belle perspectivesur le Pic de Mus, qui indique la direction à prendre pour le retour. Mais avant je profite des belles pentes courtes mais intenses qui descendent du sommet. Avec une telle qualité de neige les virages s'enchainent sans difficulté. Accueilli en bas par un renard qui mulote et qui ne semble pas vouloir laisser la place. Nous nous observons à une vingtaine de mètre, et le laisse à ses affaires. Sereine la bête... Je rejoins le petit hameau endormi de Chaldecoste, puis emprunte les chemins bordés de murets plein Est en direction du Pic de Mus, sommet emblématique de Saint Laurent de Muret (1324 m). Cette ancienne cheminée volcanique a été dégagée par l'érosion, et offre un panorama fantastique sur toute la Lozère et une partie de l'Aubrac. Je retrouve le GR de Pays en versant Sud du Pic de Mus afin de rejoindre mon point de départ.Je suis accueilli dans le village par la douce effluve des étables remplies de vaches Aubrac.

Cette randonnée à ski peut s'entreprendre seulement avec des conditions de neiges conséquentes, afin de pouvoir oublier les zones humides et les clôtures. Les conditions merveilleuses de ce début d'année permettent de tracer librement dans ces vastes étendues, fruit du travail  de l'homme. Nous sommes dans un paysage culturel, et si nous voulons qu'il perdure et  profiter "d'être dans l'air" le monde paysan doit s'y maintenir.

Vive le ski rural

Damien63